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Et qu'en un même jour l'Épire ait la douceur [555]

De voir monter au trône, et le frère, et la soeur.

DÉIDAMIE

Quoi, vous reculeriez ce glorieux partage,

Où la foi des traités, où l'honneur vous engage ?

Que dirait Glaucias qui forcé d'éclater...

NÉOPTOLÉMUS

C'est un trop faible éclat pour en rien redouter. [560]

Qu'a-t-il pu contre nous par cette longue guerre

Dont cent fois le malheur a désolé sa terre ?

Il m'a livré Pyrrhus, je le tiens, je suis Roi,

Et du reste, mon coeur n'en doit compte qu'à moi.

DÉIDAMIE

Donc en traitant la Paix vous voulez qu'on soupçonne [565]

Que mon ambition s'assurait la Couronne,

Et qu'aux lois de Pyrrhus honteuse d'obéir,

Je n'ai pris cet emploi qu'afin de le trahir ?

Que sachant qu'en vos mains il avait tout à craindre,

Exprès à se livrer j'ai voulu la contraindre ? [570]

Que tout ce grand espoir dont j'osai le flatter...

NÉOPTOLÉMUS

Pourquoi craindre un soupçon que l'on peut éviter ?

Qu'aujourd'hui votre main à mon amour se donne,

Et Pyrrhus aussitôt partage ma Couronne.

C'est à vous seul à rompre, ou tenir le traité. [575]

DÉIDAMIE

C'est donc là cette foi, cette sincérité ?

NÉOPTOLÉMUS

Que tout votre courroux contre moi se déploie,

Pour tirer votre aveu je n'ai que cette voie,

Et mes respects en vain croiraient vous l'arracher,

Si l'intérêt d'un frère a peine à vous toucher, [580]

Vos outrageants refus n'ont plus lieu de paraître,

Vous me nommiez tyran, et j'ai cessé de l'être,

Le sang d'AEacidès par moi ne régnait plus,

J'en usurpais le trône, et j'y remets Pyrrhus.