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Par toi jusques ici, pour trop faire l'esclave,

Je me suis attiré le mépris qui me brave. [470]

Traité d'Usurpateur, pour fléchir sa fierté,

Je fais ce que peut-être on n'a jamais tenté.

Aux traits d'un Ennemi mon destin s'abandonne ;

Je rétablis Pyrrhus, partage ma Couronne,

Et ce noble attentat sur mon ambition [475]

Laisse en elle pour moi la même aversion.

Il est temps d'éclater, il est temps qu'elle sache...

GÉLON

Seigneur, à votre nom n'imprimez point de tache.

Par la mort de Pyrrhus violer le traité :

C'est joindre le parricide à l'infidélité. [480]

Qui jamais avec vous voudra faire alliance

Si pour lui votre foi n'offre aucune assurance ?

Plaignez-vous d'un refus où la Princesse a tort,

Accusez, condamnez, mais respectez l'Accord.

Plus Pyrrhus vous devra de puissance et de gloire, [485]

Plus son zèle à vos feux répond de la victoire.

Ce favorable appui vous rendra tout aisé.

NÉOPTOLÉMUS

Va, ne m'en promets rien, j'en suis désabusé.

J'ai voulu, comme toi, flatter mon espérance

De quelque heureux effet de sa reconnaissance, [490]

Encor tout de nouveau mon coeur, mon lâche coeur

Vient d'employer Pyrrhus pour m'acquérir sa soeur ;

Mais c'est pour mon amour une peine nouvelle

Qu'il n'en obtienne rien lorsqu'il peut tout sur elle,

Et qu'un zèle si froid aime à me laisser voir [495]

Qu'il dédaigne pour moi d'user de son pouvoir,

Non, non, à quelque rang que ma bonté l'élève,

Ma flamme est sans espoir si son hymen s'achève ;

C'est à Déidamie à décider son sort

Par le choix de ma main, ou l'arrêt de sa mort. [500]

Dût se perdre l'État, quoi qu'elle puisse faire,

Ce n'est qu'en m'épousant qu'elle sauve son frère,

Elle peut en résoudre.

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