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Cesse de condamner les transports de ma flamme. [445]

Leur triste excès sans doute aveugle trop mon âme,

Mais, Gélon, je suis Roi, je me vois négliger,

Et l'amour qu'on outrage aspire à se venger.

Si ce que je résous traîne quelque infamie,

Elle est bien moins pour moi que pour Déidamie, [450]

Qui par le fier dédain qu'elle oppose à mes voeux,

Force mon désespoir à plus que je ne veux.

À quoi qu'il se prépare, il est en sa puissance

D'en calmer d'un seul mot toute la violence,

Et quand tu crains les maux qu'il est prêt de causer, [455]

C'est la seule rigueur qu'il en faut accuser.

GÉLON

Je sais que rejetant l'hymen qu'elle refuse,

Des bontés de son Roi Déidamie abuse,

Que l'Amour est sensible aux mépris des ingrats,

Mais songez qu'il se donne, et ne s'arrache pas. [460]

Un coeur dont la conquête offre une douce amorce,

Aime à se rendre au temps, et non pas à la force,

C'est par là seulement qu'il se laisse attendrir,

Et qui veut être aimé doit attendre, et souffrir.

NÉOPTOLÉMUS

À me soumettre encor ton zèle en vain m'anime. [465]

Je n'ai que trop suivi cette injuste maxime,

Et ce Roi qu'à souffrir tes conseils ont forcé,

Serait peut-être heureux s'il avait menacé.