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Lui qu'avec tout l'État ce changement abuse,

Fait demander Pyrrhus, Glaucias le refuse.

C'est par là qu'entre nous la guerre a commencé,

Et l'horreur qui la suit n'aurait jamais cessé, [220]

Si Néoptolémus que pressait Androclide

N'eût pris de ses conseils la prudence pour guide.

Par l'hymen de sa fille il rend mon frère heureux,

Et c'est à quoi la Reine avait borné ses voeux.

Voilà ce qu'en secret elle daigna m'apprendre [225]

Quand la mort tout à coup ayant su la surprendre,

Appelant Androclide, à peine elle eût le temps

De m'ouvrir devant lui ces secrets importants.

NÉRÉE

Ainsi dans leur destin que brouille un tel mélange

Hippias et Pyrrhus ignorent cet échange ? [230]

DÉIDAMIE

Oui, mais pour éclaircir un sort si partagé

D'un billet de la Reine Androclide est chargé,

Et si du faux Pyrrhus la vertu m'a su plaire,

J'excuse par là les ordres de ma Mère,

Qui prête d'expirer, par un devoir souverain [235]

En faveur d'Hippias disposa de ma main.

NÉRÉE

Mais pourquoi si longtemps lui laisser l'espérance

Dont l'a toujours flatté l'erreur de sa naissance ?

DÉIDAMIE

Du zèle le plus pur vois le dernier effort.

C'était peu que deux Rois eussent signé l'Accord, [240]

Malgré les sûretés qu'un tel Accord fait naître,

Androclide toujours a craint pour son vrai maître,

Et n'a voulu par là, de peur d'être surpris,

Jusqu'au jour de l'Hymen hasarder que son fils.

Ce jour paraît enfin, et rien n'est plus à taire ; [245]

Mais je le vois, ce fils qui croit être mon frère.

Retire-toi, Nérée, et me laisse éprouver

De quel oeil il verra ce qui doit arriver.

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