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Dites qu'il doit sans cesse en garder la mémoire,

Sans cesse pénétrer l'excès de son malheur,

Le voir, le bien connaître, et mourir de douleur.

ANTIGONE

Si ma main est un bien que le Destin vous vole, [125]

Il ne tiendra qu'à vous qu'il ne vous en console.

Déidamie...

PYRRHUS

Ô Dieux ! Vous pouvez présumer...

ANTIGONE

Qu'il n'est pas mal aisé de vous en faire aimer,

Et que si de Pyrrhus l'hymen vous désespère,

La soeur peut réparer l'injustice du frère. [130]

PYRRHUS

Ah, si quelque malheur aux miens peut être joint,

Comblez-en mon amour, mais ne l'outragez point.

Pour moi Déidamie a conçu quelque estime,

Mais loin qu'un feu secret la soutienne ou l'anime

C'est elle dont les soins par un ordre assez doux [135]

Ont enhardi mes voeux à s'expliquer pour vous,

Mon coeur sur ses conseils...

ANTIGONE

Et c'est par cette adresse

Qu'elle a cru découvrir quel sentiment vous presse,

Je n'en ai que trop vu.

PYRRHUS

Plût au Ciel que ma foi

N'eût à craindre aujourd'hui que ce qu'on craint de moi ; [140]

Que le bonheur du frère eût pour toute apparence

Ce qu'impute à la soeur votre injuste croyance ;

Mais las ! Il vous épouse, et je touche au moment

Où va son dur triomphe accabler votre Amant.

Au moins, puisqu'à mon feu c'est le seul bien qui reste, [145]

Montrez-moi de l'horreur pour cet hymen funeste.