Et mon père avec lui partageant sa puissance
Confond les droits du sang dans ceux de l'alliance. [10]
Chacun voit avec joie éclater le grand jour
Où le don de ma foi va payer son amour ;
Cette heureuse union charme toute l'Épire.
Dans ce bonheur public moi seule je soupire
Et j'en sens mes ennuis d'autant plus à redoubler [15]
Qu'il faut taire les maux qui me vont accabler.
Ces maux que vous craignez me font peine à comprendre.
Dans le plus doux accord que vous puissiez attendre.
De Pyrrhus pour régner le droit est si certain,
Que le trône pour vous dépendrait de sa main, [20]
Bien plus que votre sang son hymen vous l'assure ;
Et si parler pour lui n'est point vous faire injure,
Il joint tant de mérite à la splendeur du sang...
La vertu passe en lui l'avantage du rang.
De mille exploits fameux le brillant témoignage [25]
Signale sa prudence ainsi que son courage,
Son grand coeur pour la gloire avec plaisir s'émeut,
Je le sais ; mais, Camille, aime-t-on quand on veut,
Et quelque fier devoir dont on suive l'Empire,
L'Amour est-il un Dieu qui n'ose l'en dédire ? [30]
Je crois que le temps seul fait connaître aux Amants
De la vraie union les noeuds les plus charmants,
Mais c'est toujours beaucoup pour un coeur magnanime
Qu'une haute vertu le prépare à l'estime,
Et que sur ce penchant il se fasse une loi... [35]
Peut-être est-ce beaucoup pour un coeur tout à soi,
Mais comme, quelque effort où ce coeur se dispense,
Aimer quand on le veut passe notre puissance,
Par un contraire effet qui brave tous nos soins
On aime bien souvent quand on le veut moins. [40]