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sévère.

Hélas ! Que n’est-il vrai ?
Mais de lui seul enfin je tiens ce que je sais.
Feignant qu’un fol espoir avoit pu me séduire,
De tout par Martian je me suis fait instruire.
Un père ambitieux veut perdre votre époux,
Et je viens pour agir prendre l’ordre de vous.

fauste.

Ah, si ma gloire encor vous avoit été chère,
C’est sans m’en consulter que vous le deviez faire,
Et ne me pas réduire à l’affreux déplaisir
D’être forcée au choix, et de n’oser choisir.
Quel conseil vous donner, à quel parti me rendre,
Sans exposer des jours que je devrois défendre,
Sans qu’aux traits du Destin les voulant arracher
Il n’en coûte à mon cœur ce qu’il a de plus cher ?
Si j’ose pour un père écouter la Nature,
Mon devoir outragé souffre, tremble, murmure,
Et lors qu’en sa faveur je me laisse émouvoir,
La Nature à son tour frémit de mon devoir.
Ainsi mon innocence est partout poursuivie,
Je deviens sacrilège à moins que d’être impie,
Et de quelque côté que penchent mes souhaits,
J’y découvre aussitôt le plus noirs des forfaits.
J’ai beau haïr les noms d’ingrate et de perfide,
Je ne m’en puis sauver que par un parricide,
Et de mes tristes maux l’excès monte à tel point
Que je commets un crime à n’en commettre point.
Je hasarde un époux si je respecte un père,
Il faut me déclarer, on m’y force. Ah, Sévère !
Si dans quelques ennuis j’ai pu vous engager,
Est-ce ainsi qu’un grand cœur se plaît à se venger ?

sévère.

Continuez, Madame, et par cette injustice
D’un amour qui perd tout augmentez le supplice.
Si d’un espoir honteux il eût pu se flatter,
Ma vengeance étoit sûre à vouloir l’accepter.