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S’efforcer d’en bannir ce qui pût l’enflammer,
Mais qui croit le pouvoir n’a su jamais aimer.
Ce prompt dégagement un peu trop volontaire,
Du vrai, du vif amour dément le caractère ;
Et c’est aimer bien peu, qu’être sûr d’un secours
Qui nous mette en pouvoir de n’aimer pas toujours.

constance.

Quoique le trop de zèle où pour vous je m’engage,
D’un reproche pareil dût m’épargner l’outrage,
Je ne déguise point qu’en cette extrémité
Il me seroit bien doux de l’avoir mérité.
À ma triste raison mon âme plus soumise
De mes sens révoltés préviendroit la surprise,
Et leur rébellion, par un indigne éclat,
Ne me coûteroit pas la honte du combat.

licine.

Que de vertu, Madame, et que je suis à plaindre,
Puisqu’à tant d’injustice elle peut vous contraindre,
Qu’il faille me haïr jusqu’à vous opposer
Au regret de la mort que vous m’allez causer !
Pour moi, qu’un sang plus bas, et ma triste disgrâce
Semblent autoriser d’avoir l’âme plus basse,
Je ne me défends point de tous les mouvements
Qu’une aveugle fureur met au cœur des Amants ;
N’ayant qu’elle en mon mal à choisir pour remède,
Il n’est rien que je n’ose avant que je vous cède,
Et j’aurai lieu peut-être en ce revers fatal
De rendre mon malheur funeste à mon rival.
Mais je le vois ; Madame, agréez ma retraite,
Sa présence fait peine à mon âme inquiète,
Et je craindrois enfin de ne pouvoir calmer
Les transports violents qu’elle a droit d’animer.