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Quelques maux qui sur vous semblent prêts d’éclater,
Vous me connoissez trop pour en rien redouter.
N’attendez rien de plus ; j’ai cru pouvoir sans crime
Vous souffrir d’aspirer à toute mon estime,
Et n’ai point balancé d’approuver un amour
Qu’aux yeux de l’Empereur vous osiez mettre au jour.
L’éclat qu’il lui souffroit flattant votre espérance,
Contre un doute importun me servoit d’assurance,
Et mes désirs trop prompts aidant à me trahir,
Je crus que vous aimer ce n’étoit qu’obéir ;
Mais enfin aujourd’hui que cette erreur bannie
Laisse de mon devoir agir la tyrannie,
Contrainte à m’y soumettre, en de pareils ennuis
Faire des vœux pour vous c’est tout ce que je puis.
Je sais que votre amour qu’un cruel ordre alarme,
D’un si foible secours dédaignera le charme,
Mais si c’est peu pour lui, dans ce que je me dois
Peut-être avouerez-vous que c’est beaucoup pour moi.

licine.

Oui, c’est beaucoup, Madame, et d’un sort si funeste
Le coup doit m’être doux si cet espoir me reste.
Quel remède à des maux si rudes, si pressants,
Que de les soulager par des vœux impuissants !
Non, non, puisque je vois votre amour trop crédule
D’un pareil sentiment se former un scrupule,
Qu’il s’abandonne entier à ce cruel devoir
Qui cherche à triompher de tout mon désespoir.
Ne vous reprochez point d’avoir été facile
Jusques à m’accorder un souhait inutile,
Consentez à ma perte, et purgez votre foi
De l’indigne pitié qui vous parle pour moi.
Ce cœur dont votre amour faisoit toute la gloire
Ne vaut pas qu’un soupir souille votre victoire,
Et vous laisseriez voir un courage abattu
Si vous n’étiez cruelle à force de vertu.

constance.

J’excuse des transports qui trop prompts à paroître
Suivent l’aveuglement du feu qui les fait naître,