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Dans les droits que pour lui l’on veut que j’abandonne,
Bien loin qu’il soit à moi, c’est à lui qu’on me donne,
Et mon ambition s’en laisse en vain flatter
Si mon cœur est le prix dont je dois l’acheter.

constantin.

Ce prix est-il si haut que tout couvert de gloire,
Tout brillant de l’éclat d’une illustre victoire,
Sévère à trop d’orgueil semble s’abandonner,
S’il en reçoit l’espoir que je lui fais donner ?

constance.

Sévère a des vertus dignes de sa naissance ;
Mais mon cœur est jaloux de son indépendance,
Et quoi que mon devoir ait d’empire sur lui,
Il dédaigne d’aimer par les ordres d’autrui.

constantin.

Dites, dites plutôt que ce cœur téméraire
Pour se donner ailleurs se refuse à Sévère,
Et qu’à des feux secrets prêtant trop de soutien,
Votre choix pour aimer a prévenu le mien.
Licine vous adore, et l’ardeur qui l’enflamme
N’a pu frapper vos yeux sans pénétrer votre âme ;
Mais flattant des soupirs sans mon ordre écoutés,
Avez-vous oublié de quel sang vous sortez ?
Celles de votre rang à qui la gloire est chère,
Hors le bien de l’État n’ont point de choix à faire,
Et quelque passion qui les puisse aveugler,
Un si noble intérêt la doit toujours régler.

constance.

Je sais que plus le rang approche des Couronnes,
Plus la fière grandeur asservit nos personnes,
Mais je ne sais pas moins quel injuste attentat
Font souvent sur nos cœurs ces maximes d’État ;
Non que vous devant tout le mien les examine,
C’est sans aveuglement que j’estime Licine,
Et son amour n’a rien qui me puisse ébranler,
Sitôt qu’à votre gloire il faudra l’immoler.