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Et m’empresserois moins à le faire régner,
Si je n’en acquérois le droit de l’éloigner.
Il soupiroit pour Fauste, et jamais l’espérance
N’avoit d’un plus beau feu soutenu la constance,
Quand la guerre allumée armant pour moi son bras,
Le plonge en des malheurs qu’il ne prévoyoit pas.
Tandis que sa valeur soutient mon Diadème,
Mon hymen résolu lui vole ce qu’il aime ;
Fauste cède, mais las ! Son chagrin fait trop voir
Que son obéissance est due à son devoir.
Quelque effort, quelques soins que mon adresse emploie,
La Couronne est trop peu pour lui rendre sa joie.
Par là juge à quel point s’alarme mon amour
Quand je vois aujourd’hui Sévère de retour.
Non que ce feu secret qu’il a peine à contraindre,
Offre à ma jalousie aucun sujet de craindre.
Quelque trouble en son cœur qu’il ait droit de jeter,
Fauste a trop de vertu pour m’en inquiéter,
Elle en triomphera, mais enfin je prends garde
Que ce cœur est un bien que ce trouble hasarde,
Et qu’à le voir souvent, quoi que puisse sa foi,
Il est bien malaisé qu’il n’en soit moins à moi.
Tu sais que je l’adore, et que son hyménée
Tenait de tous mes vœux l’avidité bornée ;
Mais je ne puis souffrir que dans des nœuds si doux,
L’Amant n’ait point de part au bonheur de l’Époux.
Sans cesse à mon repos ce dur chagrin s’oppose,
La douceur de l’effet se corrompt par sa cause,
Et mon cœur que confond ce juste désespoir,
En faveur de l’amour est jaloux du devoir.
Ne t’étonne donc plus du choix que j’ai su faire.
En couronnant ma Sœur il engage Sévère,
Et par ce prompt hymen l’oblige d’étouffer
Un amour dont lui seul a droit de triompher.
Outre qu’avecque lui partageant ma puissance,
Je l’éloigne des lieux où je crains sa présence,