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Et ce qu’en votre cœur l’amour avoit tracé,
N’a plus rien que déjà le temps n’ait effacé ?

fauste.

C’est ce qu’ils ont dû faire, et quoi qu’ils me proposent
Si mes sens révoltés à leur secours s’opposent,
Mon cœur se contraindra si bien à le cacher,
Qu’à peine aurai-je droit de me le reprocher.

sévère.

Quoi, si de mes malheurs quelquefois il soupire,
M’envier la douceur de vous l’entendre dire ?
Pourquoi me refuser cet innocent aveu ?
Vous coûteroit-il tant pour me donner si peu ?

fauste.

Trop, puisqu’il n’est pas tel que vous le voulez croire.

sévère.

Qu’a-t-il de condamnable ?

fauste.

Il hasarde ma gloire.

sévère.

Par ce feu, ce beau feu qu’honora votre foi.

fauste.

Je l’étouffe pour elle, étouffez-le pour moi.

sévère.

C’est à quoi sans effort vous savez vous contraindre ?

fauste.

Mon devoir l’alluma, mon devoir sait l’éteindre.

sévère.

Qu’il l’éteint bien plutôt qu’il ne fut allumé !
Et vous disiez encor que vous m’avez aimé ?

fauste.

Adieu, Sévère, adieu ; quelque effort que je fasse,
Je sens que malgré moi ma vertu s’embarrasse,
Non que de la victoire elle ait lieu de douter,
Mais c’est l’acheter trop que de la disputer.

sévère.

Quoi, vous m’abandonnez ? Ah ! Divine Princesse,
Avec tant de vertu craignez-vous ma foiblesse ?