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Non, non, de vos bontés ces preuves obligeantes
Ne font que rendre encor mes douleurs plus pressantes.
Plus votre amour me tient ses charmes découverts,
Plus ma rage s’augmente à voir ce que je perds.
Au lieu de me montrer qu’en un sort si contraire,
Je dois tous mes malheurs au seul ordre d’un père,
Qu’à cet ordre à regret vous avez obéi,
Dites-moi, s’il se peut, que vous m’avez trahi.
Vous montrant insensible à tout ce que j’endure,
Prêtez à ma raison le secours du murmure,
Affectez des mépris dont l’outrageant aveu
Affaiblissoient ma perte en console mon feu ;
Et puisque le devoir a bien su vous apprendre
À m’arracher ce cœur où j’eus droit de prétendre.
Par tout ce que la haine a de plus obstiné,
Arrachez-moi l’amour que vous m’avez donné.
Mais que dis-je ? Les maux à qui ma vertu cède,
Égalent-ils l’horreur d’un si cruel remède ?
Puisque enfin votre cœur en daigne soupirer,
Laissez-les moi, ces maux, je veux les adorer.
Au repos le plus doux j’en préfère la peine,
Si pour la voir finir il me faut votre haine ;
Vos mépris combleroient les rigueurs de mon sort.
Madame, pardonnez à ces confus transports,
Je cède, et me dérobe à l’erreur qui m’abuse,
Je veux, et ne veux pas, je demande et refuse,
Je trouve un nouveau mal où je crois voir un bien.
Mais hélas ! En est-il pour qui n’espère rien ?

fauste.

Oui, Sévère, il en est, et quoi qu’en apparence
Vous puissiez dans vos maux garder peu d’espérance,
Le temps et la raison où l’on doit recourir,
Sauront vous assurer les moyens d’en guérir.

sévère.

Ainsi cette raison à votre aide appelée
D’un si beau feu trahi vous aura consolée,