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C’est à toi là-dessus à te bien consulter.

Sinorix.

Non, vous cherchez en vain à me faire douter.
Les soupçons qu’en votre âme on aime à faire naître
Font périr Sinatus par le crime d’un traître,
Sa mort rend de courroux votre cœur embrasé,
Et m’en croyant l’auteur vous m’auriez épousé ?

camma.

L’affront m’en fait rougir, l’affront m’en désespère,
Mais puisque je l’ai fait, crois que je l’ai dû faire,
Et tremble d’autant plus que dans ce désespoir
Je sais ta perfidie, tu connois mon devoir.
C’est t’expliquer assez les projets de ma haine.

Sinorix.

Pour les exécuter vous aurez peu de peine,
Et la vie à mes vœux n’est pas un bien si doux
Qu’il vaille le malheur d’être haï de vous.
De votre hymen sur moi la gloire répandue
Commençoit à remplir leur plus vaste étendue,
Mais en le poursuivant comme un bonheur certain,
J’ai cherché votre cœur, et non pas votre main.
S’il aime, s’il s’obstine à croire l’imposture,
Ordonnez que mon bras répare votre injure,
Il est prêt, et par lui tout mon sang répandu
Saura…

camma.

Non, mieux que toi je sais ce qui t’est dû.
Ma vengeance par là flatteroit peu ma peine,
Tu l’offres à l’amour, je la dois à la haine.
Souffrir que ton remords me la fasse obtenir,
C’est te rendre ta gloire, et non pas te punir.
Il faut que ce courroux que je te laisse à craindre
N’ait rien en te perdant qui me force à te plaindre,
Et que le coup heureux qu’il refuse à ton bras
Me venge de ton crime, et ne l’efface pas.