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Sa mort fut imprévue, et sans s’inquiéter
Au malheur de son âge on voulut l’imputer.
Pour moi, que de ce coup surprit la promptitude,
Je mis à l’avérer ma plus pressante étude,
Et découvris enfin, sans qu’on l’ait soupçonné,
Que ce Roi malheureux mourut empoisonné.

Sinorix.

Empoisonné, Madame ? Ah, coupable entreprise !

camma.

Il n’est pas temps encore de montrer ta surprise,
S’il t’est avantageux de la faire éclater,
Ce que tu vas ouïr la pourra mériter.
Achève cependant de me prêter silence
Du sort de Sinatus j’ai donc eu connoissance,
Et l’horreur d’un forfait et si lâche et si noir
Laisse mes sentiments aisés à concevoir.
La plus pressante ardeur que pour punir un traître
La vengeance jamais dans un cœur ait fait naître,
Tout ce que peut la haine y joindre de soutien,
Pour venger son trépas se trouva dans le mien.
À ses mânes sacrés un zèle inviolable
Me fit jurer soudain d’immoler le coupable,
Et le Ciel m’est témoin si dans ce triste cœur
Rien égala jamais une si noble ardeur.
Cependant de mon sort telle est la perfidie,
Que quoi que cette ardeur ne soit point refroidie,
Que sa mort de mes vœux soit l’objet le plus doux,
Je n’ai pu m’affranchir d’en faire mon époux.

Sinorix.

Quoi, Madame…

camma.

Tu vois, t’expliquant l’entreprise,
Si j’avois lieu d’abord d’arrêter ta surprise,
Et de dire, en parlant d’un poison odieux,
Que ce qui le suivoit la mériteroit mieux ?

Sinorix.

Ah, Madame…