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Mais ne crois plus pour toi que mon courroux l’exprime,
Mon indignation t’abandonne à ton crime,
Et quoi que ton audace aime à le soutenir,
C’est en te dédaignant que je te veux punir.

Sostrate.

Seigneur, puisqu’à ce point ma peine vous est chère,
Apprenez que le Ciel cherche à vous satisfaire,
Et que tous les tourments l’un sur l’autre amassés
Pour égaler le mien ne feroient pas assez.
Il n’est point de moment où par quelque artifice
Mon désespoir pour moi ne change de supplice,
Mille maux l’un de l’autre à l’envi renaissants
Accablent ma raison, et confondent mes sens,
Tout me nuit, tout me perd, tout me devient funeste.

Sinorix.

Quoi, de tant de fierté c’est-là ce qui te reste,
Et las à me braver de perdre tes efforts,
Tu ne crois plus honteux de céder au remords ?

Sostrate.

Non, Seigneur, au remords rien ne peut me résoudre,
Quand vous me condamnez la gloire sait m’absoudre,
J’ai montré quelque audace, et pour n’en point rougir
Ce me doit être assez qu’elle m’ait fait agir ;
Mais hélas ! J’en ai beau suivre par tout les traces,
Je connois mes forfaits à mes tristes disgrâces,
Et malgré tout mon zèle à ses conseils uni
Je me tiens criminel quand je me vois puni.
Aveugle jusqu’ici dans l’ardeur qui me presse
Vous m’avez plaint d’aimer une ingrate Princesse,
Mais enfin éclairé par un revers fatal
Connaissez votre erreur, et l’excès de mon mal,
J’aime, j’aime la Reine, et l’amour dans mon âme
A transmis en secret tout ce qu’il a de flamme,