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Dans son appartement il la tient prisonnière,
Et comme on ne peut rien sur une âme si fière,
Je crains que cet effort imprudemment tenté
Ne le force à l’exil qu’il avoit arrêté.

Sostrate.

Mais la Reine, Sosime, à quand son hyménée ?

sosime.

La pompe vient, Seigneur, d’en être terminée.

Sostrate.

Quoi, c’en est déjà fait ? Ah destins ennemis !
La Reine est mariée, et les Dieux l’ont permis.
Au moins, dis-moi, Sosime, en cette rude atteinte
Ce qu’elle a témoigné de douleur, de contrainte.
C’est pour moi qu’à l’hymen son cœur violenté…

sosime.

Cessez, cessez, Seigneur, d’en être inquiété.
Dans les biens les plus grands que le Ciel nous envoie
Jamais sur un visage on n’a vu plus de joie.
Tandis que Sinorix donne ordre aux factieux,
Dans le Temple enfermée elle invoque les Dieux,
Où si tôt qu’il paroît, se voyant sans rivale,
Elle fait apporter la coupe nuptiale,
Baise le sacré vase, et s’approchant du Roi,
Dieux, dit-elle, soyez les témoins de ma foi.
Là pour suivre nos lois le portant à la bouche,
On lit dedans ses yeux le plaisir qui la touche,
Et le Roi que possède un transport éclatant,
Prend de sa main le vase, et l’imite à l’instant.
Vers le grand prêtre alors l’un et l’autre s’avance,
On voit croître leur joie où leur bonheur commence,
Et c’est-là qu’aussitôt s’étant donnez la foi
L’hymen tout glorieux les unit sous sa loi.
Jugez par là, Seigneur, si vous avez à craindre
Que la Reine pour vous ait voulu se contraindre,
Elle aspiroit au trône, et par de si beaux nœuds,
En vous sauvant la vie, elle a rempli ses vœux.