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Dans l’excès des malheurs que le Ciel m’a fait naître,
Qui ne se connoît plus, peut ne vous pas connoître,
Je me perds, je m’égare, et dans mon désespoir
Je ne puis écouter ni raison,
ni devoir,
Mon amour s’abandonne au torrent qui l’entraîne.


Scène V


camma, hésione, sostrate

Sostrate.

Ah, Madame, empêchez le dessein de la Reine,
Trop injuste pour vous, trop aveugle pour moi,
Pour me sauver la vie, elle épouse le Roi.

hésione.

On m’apprend à quel prix il t’est permis de vivre,
Et je n’ai point douté de ce que je vois suivre.
Le zèle est généreux, et j’ai bien à rougir
Qu’où mon cœur n’ose rien une autre veuille agir.
L’effort que je refuse à ma reconnoissance
Par sa seule pitié la Reine s’y dispense,
Et pour sauver tes jours d’un arrêt inhumain,
Je n’offre que du sang, elle donne la main.
D’un plus noble triomphe eut-on jamais la gloire ?

camma.

Il peut me coûter plus que vous ne voudrez croire.

hésione.

Comme de son éclat tout mon cœur est surpris,
Je l’examine assez pour en savoir le prix.
On veut perdre Sostrate, et quand je l’abandonne,
Daigner monter au Trône et prendre une Couronne
Pour l’arracher au sort dont il est combattu,
C’est l’effet d’une rare et sublime vertu.