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C’est une illustre mort que ton amour affronte,
Mais pour la détourner je me couvre de honte,
Ton zèle à mon péril sacrifioit tes jours,
Et j’immole ma gloire à celui que tu cours.
Pour toi je l’asservis au sort le plus infâme,
De mon tyran pour toi j’ose me rendre femme,
Déshonorer mon rang, obscurcir ma vertu.
Sostrate, encor un coup, à quoi me réduis-tu ?

Sostrate.

Mais vous même obstinée à me perdre, à vous nuire,
À quoi, Madame, à quoi vous osez-vous réduire ?
Au plus honteux projet votre cœur se résout,
Il le sait, il le voit.

camma.

Je vois tout, je sais tout,
Mais en vain de mon sort l’épouvantable image
Te laisse quelque espoir d’ébranler mon courage.
Pour te sauver le jour l’effort est résolu,
Je te l’ai déjà dit, c’est toi qui l’as voulu.

Sostrate.

Dites, dites plutôt que du trône touchée
Votre âme à la vengeance enfin s’est arrachée,
Et voit avec plaisir le suprême pouvoir
Étouffer par empire un si juste devoir ;
Que des vœux d’un sujet l’importune mémoire
D’un reproche honteux accabloit votre gloire,
Et que quoi que vers vous ait mérité ma foi,
Il falloit les confondre en épousant un Roi.
Dites qu’à les souffrir vous ayant su contraindre,
Le sort le plus cruel ne me rend point à plaindre,
Que si vous conceviez une plus rude mort…
Mais où m’emporte, hélas ! Mon aveugle transport ?
À sa coupable audace ordonnez un supplice,
Madame, je le sais, je vous fais injustice,
Mais ce cœur déchiré par mille affreux combats,
S’il vous en faisoit moins, ne vous aimeroit pas.