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Mais cette occasion si difficile à prendre,
Tu me mets hors d’état de la pouvoir attendre,
Ta vie est en danger, et pour te secourir
Il me faut faire plus mille fois que mourir.
Il me faut consentir qu’un honteux hyménée
À mon lâche tyran joigne ma destinée,
Il me faut violer les devoirs les plus saints,
Ne me condamne point, c’est toi qui m’y contrains,
C’est toi qui t’opposant à ma noble colère
Me plonges dans un gouffre où tout me désespère,
Où quoi que mes malheurs offrent à mes regards,
Ce n’est qu’accablement, qu’horreur de toutes parts,
Où d’un triste devoir déplorable victime
Je connois, je déteste, et couronne le crime,
Mais je raisonne en vain sur un point résolu,
Il n’y faut plus penser, c’est toi qui l’as voulu.

Sostrate.

Et bien, de tous ces maux où seul je vous expose
Souffrez-vous la douceur de voir punir la cause,
Et ne m’enviez point la gloire d’une mort
Qui de tant de malheurs affranchit votre sort.
Par ce profond respect dont l’assurance offerte…

camma.

Moi, que si lâchement je consente à ta perte ?
Que te devant le jour je t’en laisse priver ?

Sostrate.

Hélas, Madame hélas ! Pouvez-vous me sauver ?
En l’état où je suis ma mort est assurée,
Mon maître et mon amour à l’envi l’ont jurée,
Et je la vois par tout certaine à recevoir,
Ou d’un arrêt funeste, ou de mon désespoir.
Rendre par votre hymen cet arrêt inutile,
Pour une seule mort c’est me livrer à mille ;
C’est changer la douceur du sort le plus heureux
En tout ce que sa haine a jamais eu d’affreux.
Mon âme à ce penser de frayeur possédée
D’un si cruel revers n’ose prendre l’idée,