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Et laissant Sinorix dans son aveuglement,
Honorer d’un soupir la perte d’un amant.

camma.

Tu dois être content si ton erreur t’est chère,
Ton amour l’a fait naître, et je saurai la taire,
Tu le veux, j’y consens, elle aura son effet.

Sostrate.

Ah, puisqu’il est ainsi, que je meurs satisfait !
Madame…

camma.

Quoi, mourir ? Tu me crois assez lâche
Pour te livrer au sort dont ta vertu m’arrache ?
Si je cache l’abus qui t’expose à périr,
C’est par la seule peur de te mal secourir.
Le tyran redoublant la rage qui l’anime
De ton amour pour moi te pourroit faire un crime,
Et dans son désespoir, sa fureur le pressant,
Confondre le coupable avecque l’innocent.
Ainsi mon imprudence, à suivre cette envie,
Du moins à ce péril exposeroit ta vie,
Et quand je te la dois c’est à moi de trouver
L’infaillible moyen de te la conserver.

Sostrate.

Quel moyen où l’amour n’a point eu de puissance ?

camma.

Celui que d’un tyran m’offre la violence.

Sostrate.

Quoi, Madame…

camma.

Je tremble à me le proposer,
J’en frémis, mais enfin il le faut épouser.

Sostrate.

Lui contre qui tantôt vous osiez entreprendre ?

camma.

Lui dont encor le sang me plairoit à répandre,
Lui dont, si le hasard m’offroit un coup certain,
Au péril de cent morts j’irais percer le sein ;