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GUZMAN.

Autres que Léonor votre épouse ?

D. FERNAND.

Autres que Léonor votre épouse ?Autres qu’elle.
On me la fait aimable, on me dit qu’elle est belle,
Mais son pere & le mien en ont en vain ma foi,
Ils choisissoient pour eux, je veux choisir pour moi.

GUZMAN.

Bon, mais puisqu’à la fois deux ont l’heur de vous plaire,
Et que la confrerie est un mal nécessaire,
Prenez-les toutes deux en qualité d’époux,
L’une pour vos amis, l’autre sera pour vous.

D. FERNAND.

Au lieu de badiner, écoute. La poursuite
Dont pour César tué j’appréhendois la suite,
Ayant hâté d’un mois mon voyage à la Cour,
Me fit perdre d’abord tout souci de l’amour.
Ainsi jusqu’au succès que j’en devois attendre,
J’oubliai qu’à Madrid je venois comme gendre ;
Et sans que chez Dom Diégue aucun l’ait pû savoir,
Dom Juan est celui qui m’a sû recevoir.
Me logeant, il ne fait que me rendre en la ville
Ce que tu sais chez nous qu’il reçut à Séville ;
Et j’ai l’heur qu’à Madrid n’étant jamais venu,
Il est le seul encor de qui j’y sois connu.

GUZMAN.

Vous l’êtes du beau-pere ?

D. FERNAND.

Vous l’êtes du beau-pere ?Il a mauvaise vûe,
Je l’ai déjà deux fois rencontré par la rue ;
Mais comme j’y prens garde, & qu’il me croit fort loin,
Cet embarras à fuir me donne peu de soin.
Cependant, Dom Juan m’a fait voir une dame,
Pour qui mon cœur soudain s’est senti tout de flamme.
Jamais des traits plus vifs, jamais des yeux plus doux
N’avoient porté sur lui de si dangereux coups.
L’air galant, enjoué…