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Faites à votre tour que sa rigueur se rende,
Vous me demandez grâce, et je vous la demande ;
Cessez de reculer, pour me voir trop soumis,
L’effet du doux espoir que vous m’avez permis.
J’étonne mon respect, il tremble en ce que j’ose,
Mais à qui donne tout vous devez quelque chose,
Et mon courroux vaincu peut-être a mérité
L’entier et prompt aveu de ma félicité.

camma.

Donc ces fortes raisons par vous-même approuvées
Sont chimères en l’air que ma crainte a rêvées ?
J’ai montré ma foiblesse à leur trop déférer ?

Sinorix.

Il suffisoit tantôt de me faire espérer,
Mais contre ce devoir et cette bienséance
Qu’opposoit le scrupule à mon impatience,
Le sang où ma vengeance a voulu renoncer
Autorise l’hymen dont j’ose vous presser ;
À ce prix seulement mon cœur vous l’abandonne.

camma.

C’est là ce grand pouvoir que votre amour me donne ?
Vous m’osez refuser quand j’ai crû ne devoir…

Sinorix.

C’est blesser cet amour, j’en suis au désespoir,
Mais contre les fureurs d’une fière Princesse
Dans ce juste refus ma gloire s’intéresse,
Et ne sauroit souffrir que par ses attentats,
Elle m’ait fait trembler, et n’en soupire pas.
Il faut, si le coupable échappe à ma justice,
Que demain votre hymen me venge et la punisse,
Et que le vain effort d’un coup si malheureux
Lui coûte la douleur de m’avoir fait heureux.