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Sinorix.

Ah, Madame,
Que vous concevez mal, en pressant ma pitié,
Quelle horreur à l’outrage ajoute l’amitié !
Le coup que de tout autre on verroit sans colère
Nous arrache le cœur quand la main nous est chère,
Et l’oubli ne pouvant jamais s’en obtenir,
Ce cœur devient par là plus ardent à punir.
Si j’ai chéri Sostrate, après son parricide
J’aime mieux le voir mort que de le voir perfide,
Et trouve plus de peine en ce rude combat
A haïr un ami qu’à punir un ingrat.

camma.

Mais enfin à présent que je me vois remise
De ce trouble où tantôt m’engageoit la surprise,
J’ois sans cesse mon cœur me reprocher tout bas
Que j’ai fait son péril, et ne l’en tire pas.
Non que s’il s’agissoit encor de votre teste
À de plus vifs efforts cette main ne fut prête,
Mais si vous tenez tout d’un généreux secours,
Pour les vôtres sauvés je demande ses jours.

Sinorix.

Quel indigne parti la pitié vous fait prendre !

camma.

Étant sans intérêt je voudrois m’en défendre,
Mais quoi que votre haine ait droit d’en murmurer,
Ayant fait son malheur je dois le réparer.

Sinorix.

Mais songez qu’évitant la peine qu’il mérite…

camma.

Mais songez que c’est moi qui vous en sollicite,
Et qu’après tant de vœux que j’ai pu dédaigner,
S’ils sont ardents pour moi, c’est mal le témoigner.

Sinorix.

S’ils sont ardents pour vous ? Qu’on amène Sostrate.
La vengeance déjà n’a plus rien qui me flatte,
Mais qu’au moins un triomphe et si grand et si beau
Sur votre fier devoir m’en acquière un nouveau,