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Dés lors sans un époux dont l’intérêt me presse
J’eusse de son amour désavoué l’adresse,
Et n’auroit pas souffert que mon tyran trompé
Le chargeât d’un forfait sur ma gloire usurpé ;
Mais voyant Sinatus sans espoir de vengeance
Si je n’en confirmois l’abus par mon silence,
J’ai voulu m’y contraindre, et cru que la pitié
Lui feroit pour Sostrate écouter l’amitié.
C’est à moi, puisqu’enfin je l’en vois incapable,
À détruire une erreur qui cache le coupable,
À lui montrer le bras qui s’immoloit ses jours,
Et des Dieux pour le reste attendre le secours.

phénice.

Comme il faudra pour lui que votre haine éclate,
Vous l’allez irriter sans secourir Sostrate.
N’ayant rien dit d’abord, vous lui ferez penser
Que vous n’avez dessein que de l’embarrasser,
Et je crains que piqué de voir par là votre âme
Désavouer l’espoir dont il flatte sa flamme,
Il ne hâte une mort dont par quelque intérêt
Il peut songer encor à suspendre l’arrêt.

camma.

Mais quand je lui dirai qu’une ardeur de vengeance
M’a fait de ses forfaits cacher la connoissance ;
Que je sais qu’en secret sa lâche trahison
Pour perdre Sinatus eut recours au poison ;
Qu’à venger cette mort ma haine toujours prête,
À Sostrate cent fois a demandé sa tête ;
Qu’à son refus tantôt dans ma noble fierté,
Mon bras se l’immoloit s’il ne l’eut arrêté ;
Que l’aveu qu’à sa flamme il a crû propice
Pour le mieux éblouir n’étoit qu’un artifice,
Crois-tu que ce rapport trouve si peu de foi
Qu’il le laisse douter entre Sostrate et moi ?

phénice.

Le voici qui paroît ; avant que rien éclate
Songez à Sinatus, jetez l’œil sur Sostrate,