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Et sa grâce pour vous est un effet certain
Si pour prix de son crime il obtient votre main.

Sostrate.

Non, Seigneur, ordonnez la peine qui m’est due ;
Quand je verrois pour moi la Princesse rendue,
Sachant quelle contrainte elle en pourroit sentir,
Jamais, jamais ce cœur n’y voudroit consentir.

Sinorix.

Fais, fais le magnanime, et souffre à ton audace
De braver ma vengeance et rejeter ma grâce,
Mais j’en jure les Dieux qui m’ont soumis ton sort,
Elle n’a que ce choix, son hymen, ou ta mort.

hésione.

Le détour est adroit, et me mettroit en peine
S’il pouvoit m’empêcher de voir que je suis Reine,
Mais ma main dans ce rang ne sauroit se donner
Qu’en remplissant le droit qu’elle a de couronner.
Par là de son refus ne crois pas qu’on s’étonne,
Ta fureur m’a ravi ce qu’il faut qu’elle donne,
Et tu m’ôtes ainsi par tes lâches forfaits
Le pouvoir d’accepter l’offre que tu me fais.

Sinorix.

Il mourra donc, Madame, et vous aurez la gêne
De voir que vos mépris feront toute sa peine,
Et que de votre main ce refus éclatant
Redoublera l’horreur de la mort qui l’attend.
Au moins ce lui doit être un supplice assez rude
De n’en devoir l’arrêt qu’à votre ingratitude,
Et de voir qu’en effet, qui doit le secourir,
Quand je veux le sauver, le condamne à périr.

hésione.

Va, nous saurons dans peu, malgré ta lâche audace,
Si sa peine à ton tour n’a rien qui t’embarrasse,
Et si dans le malheur que ses projets ont eu
Tu l’oseras punir d’un acte de vertu.
Alors cette douceur à ses vœux est offerte,
Que je suivrai son sort, ou vengerai sa perte,