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Vous m’apprêtez la mort, et ce cœur la désire,
Elle seule aujourd’hui fait tout l’heur où j’aspire,
Et pour mieux la hâter, sachez que cette main
En même occasion auroit même dessein ;
Que cent fois de nouveau l’effort qu’elle a su faire…

Sinorix.

Quoi, traître jusques-là ta rage te peut plaire ?
Et bien, sache à ton tour que plus tu me fus cher,
Moins ce cœur dans ton sort se laissera toucher ;
Que l’amitié par toi lâchement outragée
Sur ton sang hautement sera par moi vengée,
Et que de ma tendresse étouffant la chaleur
Je le verrai couler sans la moindre douleur.
Mais pardonnez, Madame, aux transports qu’autorise
Du plus noir attentat la plus lâche entreprise,
Et qui m’offrant un gouffre ouvert de toutes parts,
Sur le coupable seul arrête mes regards.
Surpris de sa fureur je m’emporte, et j’oublie,
Quand je lui dois la mort, que je vous dois la vie,
Et que m’abandonnant à cet ardent courroux,
Ce cœur juste pour lui devient ingrat pour vous.
Sans vous je n’étois plus, sans vous, triste victime,
Mon sang d’un parricide eut couronné le crime,
Et dans ce grand secours, c’est peu le mériter
Que songer à punir plutôt qu’à m’acquitter.
Souffrez donc qu’à vos pieds…

camma.

Ah, c’est trop me confondre.
Je vois, j’entends, j’écoute, et ne sais que répondre,
Et mon esprit confus, surpris, inquiété,
Tombe enfin malgré moi dans la stupidité.
Ce que Sostrate a fait m’est la plus rude offense,
Je voudrois toutefois parler en sa défense,
Et lorsqu’en sa faveur la pitié m’entretient,
Un autre sentiment m’inspire, et me retient.