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Et mes vœux acceptés, je ne fais seulement
Que prendre ailleurs ma peine, et changer de tourment.
Après avoir langui sous la disgrâce extrême
Qui m’ôtait tout espoir d’obtenir ce que j’aime,
Je me sens maintenant et gêner et punir
Par le cruel remords que j’ai de l’obtenir.
Accablé de l’horreur qui dans mon cœur se glisse,
Je voudrois n’aimer plus pour en fuir le supplice,
Et dans ce qu’à mes yeux la Reine offre d’appas,
J’aimerois mieux mourir que ne l’adorer pas.
Ainsi le triste excès de ce confus martyre
Fait révolter mon cœur contre ce qu’il désire,
Et contraire à moi-même en mes propres desseins
Je crains ce que je veux, et veux ce que je crains.
Ah, qu’il est malaisé qu’une âme généreuse
Tire d’un noir forfait de quoi se rendre heureuse,
Et qu’aux cœurs dont le zèle à la gloire est offert,
Le bonheur coûte cher quand le crime l’acquiert !
Mais quoi ? D’où tout à coup me vient ce nouveau trouble ?
Mon désordre s’augmente, et ma frayeur redouble.
Est-ce un avis du Ciel qui cherche à m’annoncer
L’arrêt que son courroux s’apprête à prononcer ?
Il est juste, et d’un Roi quand j’ai fait ma victime,
S’il punit par le foudre, il le doit à mon crime.
Dieux, hâtez-en la peine, ou m’ôtez ces soupçons.