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L’ardeur dont tu flattois ma noble impatience,
Par ton seul intérêt s’offroit à ma vengeance,
Et tu consentois moins par cet accord fatal
À punir mon tyran qu’à perdre ton rival.
Alors tu n’avois point cette vertu timide
Qui tremble à voir mon cœur le prix d’un parricide,
Et ta flamme aisément convainquoit ta raison
Qu’il pouvoit s’acquérir par une trahison.
Aujourd’hui seulement qu’un foible stratagème
Fait promettre au tyran de me céder si j’aime,
Tu veux être fidèle, et lui garder ta foi,
Sur l’espoir de me rendre aussi lâche que toi.
Son aveu d’un beau choix me laissant la puissance,
Tu crois qu’en ta faveur j’oublierai ma vengeance,
Et que d’un fol amour secondant le pouvoir,
Je t’aiderai moi-même à trahir mon devoir ;
Mais gravé dans ce cœur où rien ne le partage,
Apprends que l’effacer est un pénible ouvrage,
Et que je plains en toi, si ton feu l’entreprend,
L’inutile vertu que cet espoir te rend.

Sostrate.

Ah ! Que me dites-vous ?

camma.

Ce que je te dois dire,
Que jamais sur ton cœur la gloire n’eut d’empire,
Et qu’un lâche intérêt qu’il vient de mettre au jour
Le rend traître ou fidèle au gré de ton amour.

Sostrate.

Et bien, pour épargner ce soupçon à ma gloire,
Il faut oser ici ce qu’on ne pourra croire,
Étouffer de l’amour le charme le plus doux,
Et vous donner l’exemple à triompher de vous.
Deux grandes passions nous portent à l’extrême,
Nous leur déférons tout, vous haïssez, et j’aime,
Trahissons-en l’attente, et pour nous signaler,
Consentons l’un à l’autre à nous les immoler.
Par un effort illustre et digne d’une Reine,
Renoncez à l’espoir qui soutient votre haine,