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De voir que si la Reine à ma flamme s’oppose,
De tout ce que je souffre elle est la seule cause,
Ou plutôt il faudroit par un noble retour
Avec mon injustice éteindre mon amour ;
Mais hélas ! Je sens bien que vain de sa défaite
Mon cœur craint à ce prix le repos qu’il souhaite,
Et qu’il n’est point de maux où je n’ose m’offrir
S’il faut cesser d’aimer pour cesser de souffrir.


Scène III


Sinorix, Sostrate, phaedime

Sinorix.

Et bien ? As-tu, Sostrate, entretenu la Reine ?
La Princesse toujours règle-t-elle sa haine,
Et sur ses intérêts son indigne rigueur
S’obstine-t-elle encor au refus de mon cœur ?

Sostrate.

Si votre amour du temps n’attend quelque miracle,
En vain de son orgueil il croit vaincre l’obstacle.
Comme elle s’est tantôt expliquée avec vous,
Mes soins n’ont fait, Seigneur, qu’accroître son courroux.
C’est assez qu’elle-même elle ait voulu vous dire
Quel inutile espoir flatte votre martyre,
Votre pouvoir est grand, mais pour forcer sa foi,
Il n’étend point vos droits sur la veuve d’un Roi.

Sinorix.

Oui, Sostrate, elle peut me dédaigner sans craindre
Que mon amour s’emporte à la vouloir contraindre.
Quoi qu’à ma tyrannie elle ose reprocher,
Son cœur doit s’obtenir, et non pas s’arracher ;
Mais puisque la Princesse à ces mépris m’expose,
De mon malheur en elle il faut punir la cause,