Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée
Sinorix.

Rejetez-la, Madame, et sauvez votre gloire
Du péril odieux d’une tâche si noire ;
Mon cœur qui voit l’injure où vous alliez céder,
Sur un si noble soin aime à vous seconder.
Sans doute il ne vaut pas, ce cœur bas, ce cœur lâche,
Qu’à son indignité votre vertu l’arrache,
Et vous craignez en vain que je ne fasse effort
À répandre sur vous la honte de mon sort ;
Mais quelque triste fin qu’il faille que j’en craigne,
S’il m’expose à périr, il m’apprend que je règne,
Et jusqu’au dur revers qui saura me trahir,
J’aurai la joie au moins de me faire obéir.
Soutenez votre orgueil ; quelque loin qu’il s’étende,
Je sais ce que je puis alors que je commande,
Et si toujours Sostrate est par vous outragé,
Ne pouvant être heureux, il peut être vengé.

hésione.

Va, ne crois pas qu’ici son intérêt m’abuse,
D’un faux zèle pour lui je vois l’indigne ruse,
Par cet empressement à soutenir son feu
Ta lâcheté du tien sollicite l’aveu.
Ce que la Reine doit au sang dont je suis née
Lui défend d’accepter la foi qui m’est donnée,
Et quoi que mon orgueil en dédaigne l’appas,
Le mépris que j’en fais ne te dégage pas.
Tu le vois, et l’hymen où tu crois me contraindre,
La doit mettre en état de n’avoir plus à feindre,
De répondre à ta flamme, et de s’abandonner
Aux douceurs de l’espoir que tu lui fais donner ;
Mais maîtresse d’un cœur qui brave ton Empire,
Je ris des vains projets que cet amour t’inspire,
Et tous mes déplaisirs semblent s’évanouir
Quand tu fais un parjure, et n’en saurois jouir.

Sinorix.

J’en jouirai, Madame, et puisque votre audace
Ose presser l’effet d’une juste menace,