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Tes soins de mon orgueil en poursuivent l’aveu ?

Sostrate.

Madame, le respect accompagne mon feu,
Sinorix jusqu’à vous en a porté l’audace,
Mais quoi que son appui combatte ma disgrâce,
Vous me pouvez toujours défendre d’espérer,
Sans que mon cœur jamais en ose murmurer.

hésione.

Tu me l’as fait paroître, et j’aurois lieu sans doute
D’admirer les efforts que ton respect te coûte,
Si d’un charme trompeur ton esprit combattu
Ne laissoit contre moi séduire ta vertu.
Ta foi pour Sinorix cherche à gagner la Reine ?

Sostrate.

Vers toute autre ce soin pourroit vous mettre en peine,
Mais tant de fiers mépris…

hésione.

Ne les vante point tant,
J’en connois l’artifice, et vois ce qu’elle attend.
Tu verrois le tyran toucher bientôt son âme
Si j’avois de ma main récompensé ta flamme,
Et donné lieu par là de rejeter sur moi
L’affront de le réduire à me manquer de foi ;
Mais si ce seul espoir l’engage à se contraindre,
Elle me connaÏt mal de s’obstiner à feindre,
Et d’oser présumer qu’un cœur comme le mien
Par mon hymen jamais autorise le sien.

Sostrate.

Il est juste, Madame, et l’ardeur de vous plaire
N’enfle pas mes désirs d’un orgueil téméraire,
Jusqu’à prétendre enfin qu’elle aura le pouvoir…

hésione.

Va, c’est un peu trop tôt renoncer à l’espoir ;
Non que par cet aveu que tu n’osois attendre,
Flattant ta passion, je veuille la surprendre,
Je ne te dirai point qu’elle ait pu m’enflammer,
Mais si je n’aime point, du moins je puis aimer.