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De ces jaloux soupçons l’impatiente aigreur
Vous fait souffrir assez pour la tirer d’erreur,
Vous savez sa fierté.

camma.

De quoi qu’elle m’accuse,
Il n’est pas temps encor que je la désabuse,
Si la gloire en secret me pousse à me venger,
Ce seroit l’affaiblir que de la partager.

phénice.

Mais Sostrate l’aimant, peut-être que par elle
Il vous seroit aisé d’en corrompre le zèle.
Dans ce que sur sa foi Sinorix prend d’appui,
Sostrate pouvant tout, on ne peut rien sans lui,
Il vous faut l’acquérir, et l’amour qui le flatte
Le peut seul obliger…

camma.

Tu connois mal Sostrate,
Il aime, il cherche à plaire, et toutefois, hélas !
Son cœur contre un tyran craint d’avouer son bras.

phénice.

Vous le savez, Madame ?

camma.

Apprends par quelle adresse,
Brûlant pour une Reine, il feint pour la Princesse,
Et que mon ordre exprès y contraignant sa foi,
Lui fait cacher ainsi l’amour qu’il a pour moi.
Sinorix qui l’engage à m’expliquer sa peine,
Lui donnant lieu d’agir, l’offre entier à ma haine ;
Non qu’il m’ait avoué la noire trahison
Qui contre Sinatus se servit du poison,
Mais je reconnois trop, quelques soins qu’il emploie,
Qu’en me niant ce crime il veut que je le croie,
On pénètre aisément dans le cœur des amants.

phénice.

Mais, Madame, pour lui quels sont vos sentiments ?

camma.

Te parler sans aigreur de l’ardeur qui le presse,
Phénice, n’est ce pas t’avouer ma foiblesse,