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Scène II


Sinorix, Camma, Phaedime, Phénice

Sinorix.

Vos yeux de votre cœur marquant l’impatience,
Madame, et tant de soins d’éviter ma présence,
Ne me font que trop voir le peu qu’il prend de part
Au bonheur imprévu que m’offre le hasard.

camma.

Le chagrin où je vis me rend si peu traitable,
Que souvent malgré moi son aigreur vous accable,
Et mon zèle pour vous osant s’en indigner
Par ces soins de vous fuir cherche à vous l’épargner.

Sinorix

Ah, si ce n’est qu’au prix d’une si chère vue,
Perdez une bonté dont la rigueur me tue,
Et puisque pour mes vœux il n’est rien de si doux,
Accablez-moi plutôt que me priver de vous.
Je sais bien qu’à me voir quelque nouvel outrage
Toujours de mon amour repoussera l’hommage,
Que je n’entendrai rien qui me souffre l’espoir,
Mais, Madame, j’aurai le plaisir de vous voir.
Ce charme, où tout mon cœur pleinement s’abandonne,
Adoucit les mépris dont la fierté m’étonne,
Et dans l’âpre douleur de ce qu’il faut ouïr,
S’il ne peut l’étouffer, il la sait éblouir.

Camma.

J’ignore quels mépris je vous ai fais paroître,
Mais je sais qu’en m’aimant vous m’avez dû connoître,
Et ne prétendre pas qu’une moindre fierté,
Du rang où je me vois soutint la dignité.