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Voilà sur quel espoir ma juste prévoyance
Aime à voir les Persans douter de ma naissance ;
Je suis un Imposteur, ordonne mon trépas,
Mais enfin par ma mort Darius ne meurt pas.

OCHUS

Il ne m’importe, meurs, qui que tu veuilles être.
J’avoue en toi mon sang, j’aime à le reconnoître,
Ta perte m’offre ainsi le charme qui me plaît,
Et comme à Darius j’en prononce l’arrêt.
C’est lui qui doit périr, lui dont le nom rebelle
Rend à son Souverain tout un Peuple infidèle,
Et pour t’ôter l’espoir dont tes sens sont flattés,
Gardes, sans plus attendre…

DARIUS

Ah, Seigneur, arrêtez ;
Puisque c’est Darius qui doit cesser de vivre,
Ne le cherchez qu’en moi, le voici qui se livre.
Fils, trop malheureux Fils d’un Père infortuné,
Je dois subir l’arrêt que vous avez donné,
Je le suis, je le sais sans savoir autre chose ;
Mais mon nom du tumulte étant la seule cause,
Pressé par ma vertu de vous le découvrir,
Si c’est peu pour régner, c’est assez pour mourir,
Et je ne craindrai pas qu’il soit suspect d’envie,
Quand je ne le reprends que pour quitter la vie.
Changez donc cet arrêt que je tiens suspendu,
Puisqu’il perd Darius, c’est à moi qu’il est dû.

MÉGABISE

Va, quitte ce faux zèle ; offrir pour moi ta vie,
C’est joindre l’impudence à l’amitié trahie.
Ta vertu surprendroit dans ce faste emprunté,
Mais elle vient trop tard après ta lâcheté.
Je ne veux rien devoir au vain remords d’un traître.

DARIUS

Sors d’erreur, Mégabise, et pense à me connoître.
Quand de ce que je suis j’ose avertir le Roi,
Ne crois pas que je songe à m’exposer pour toi.