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En vous ôtant un sceptre il vous fait injustice,
Mais je la connois trop pour m’en rendre complice,
Et souffrir qu’on impute à mon cœur enflammé,
Que sans l’espoir d’un trône il n’auroit pas aimé.
Non, non, ces faux brillants d’une grandeur pompeuse
N’éblouissent jamais une âme généreuse ;
Et de ce vain éclat le fastueux dehors
Emploie à l’ébranler d’inutiles efforts.
Comme elle en tient l’appas suspect de perfidie,
Elle ne résout rien qu’elle ne s’étudie,
Et que de sa vertu l’intérêt scrupuleux
Ne lui semble en secret justifier ses voeux.
Par là vous pouvez voir si mon amour sans peine
A su du Prince en vous séparer Philoxène,
Et si jamais le Prince eût dégagé ma foi
S’il n’eût eu Philoxène à répondre pour soi
C’est lui seul que j’aimai, c’est encor lui que j’aime.
Si malgré sa disgrâce il est toujours lui-même,
Et si bravant du sort l’indigne trahison,
Son grand cœur lui suffit à s’en faire raison.

PHILOXÈNE

Quoi, d’un amour si cher, vous lui souffrez de croire
Qu’au Prince de Lydie il doit si peu de gloire,
Que lorsque son destin le rend à Cléophis
Vous avouez sans peine un amant dans son fils ?

BÉRÉNICE

Si d’un bas sentiment j’étois assez pressée
Pour croire en cet aveu ma gloire intéressée,
Sans doute on auroit lieu de juger qu’aujourd’hui
Son abaissement seul me rend digne de lui,
Et qu’avant son malheur l’éclat de sa naissance
D’aucun mérite en moi ne souffroit la balance.
Est-ce à quoi Philoxène oseroit consentir ?

PHILOXÈNE

Non, madame, un beau feu ne se peut démentir,
Et quand les doux transports qu’en nos cœurs il excite
S’y trouvent appuyés d’un rare et plein mérite,