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Et sa rare vertu qui peut tout mériter
Est le degré du trône où tu la fais monter ?
Mais sais-tu que les Rois, ces Puissances suprêmes,
Donnant des lois partout en reçoivent d’eux-mêmes,
Et que l’ordre du Ciel que rien ne peut borner,
Les soumet aux États qu’il leur fait gouverner ?
Le trône, où rarement le vrai bonheur arrive,
Tient sous ses intérêts leur volonté captive.
Comme ils sont nés pour lui, plus esclaves qu’heureux,
C’est trahir ce qu’ils sont que de vivre pour eux ;
Son bien seul fait leur règle, et toute autre maxime
Dans un juste Monarque, est ou foiblesse, ou crime.

ARAXE

L’amour dont Bérénice a dû souffrir l’éclat,
Blesse peut-être peu ces maximes d’État ;
Mais sous quelque Astre enfin qu’elle puisse être née,
Laissons au gré des Dieux aller sa destinée.
L’impénétrable abîme où tombent leurs décrets,
Pour se développer a d’étranges secrets.

ROI

Si ton ambition veut se voir applaudie,
Et bien, espère tout du Prince de Lydie,
J’y consens, sa vertu te répond de sa foi ;
Mais tu sais qu’il dépend et d’un père et d’un Roi.
Qui suivant contre lui sa rigueur ordinaire
Ne cherche qu’un prétexte à couronner son frère ?

ARAXE

À quoi que pour le perdre aspire son courroux,
Je n’ai rien toutefois à craindre que de vous.

ROI

Tu dois craindre cette étroite alliance,
Qui de nos deux États unissant la puissance,
Ne peut voir la Phrygie aspirer aujourd’hui
À lui ravir un fils qu’il a fait notre appui.
Ce n’est pas que mon cœur, qu’un secret instinct presse,
Ne penche vers ta fille avec tant de tendresse,
Que si je prévoyois que Philoxène un jour
Du Sceptre qui l’attend pût payer son amour,