Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée
ARAXE

Seigneur, souvent le ciel par des ordres suprêmes,
Sans nous en consulter dispose de nous-mêmes,
Et de nos passions maître et juge à la fois,
Pour nous les inspirer, n’attend pas notre choix.
C’est par là que de l’un son âme détachée
En voit tout le mérite, et n’en est point touchée ;
Et qu’en faveur de l’autre, elle ose aux yeux de tous
Permettre à son estime un sentiment plus doux.

ROI

Si ce doux sentiment s’arrêtoit à l’estime,
J’en tiendrois et l’effet et l’aveu légitime,
Puisque dans Philoxène, après tant de combats,
Des plus hautes vertus on voit briller l’appas.
La Phrygie à lui seul après vingt ans d’orage
Du calme qui le suit doit l’heureux avantage,
Et c’est par sa valeur qu’Antaléon détruit,
De la paix qu’il troubloit nous assure le fruit.
Par lui ce fier Rebelle enfin en ma puissance
Blessé mortellement satisfait ma vengeance,
Et l’accord qu’avec moi les Mysiens ont fait,
De l’effroi de sa perte est le pressant effet.
Mais c’est trop s’oublier qu’en cet amas de gloire
Prétendre d’un vainqueur partager la victoire,
Et croire imprudemment que le fils d’un grand Roi
À la fille d’Araxe engagera sa foi.

ARAXE

Je sais bien que le trône où le Ciel le destine
D’un si charmant espoir semble être la ruine,
Et que le haut éclat qu’il tire de son sang
Oppose à son amour la splendeur de son rang ;
Mais pour le soupçonner d’oser trahir sa flamme,
Seigneur, je connois trop la grandeur de son âme,
Et qu’épris de la gloire il la fait consister
À mériter un Sceptre, autant qu’à le porter.

ROI

Par ce raisonnement où l’orgueil t’abandonne,
Bérénice déjà partage sa Couronne,