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ERIPHILE.

Rigoureuse demande et zèle criminel !
C’étoit peu qu’être ingrat, il veut être cruel.
Mais la reine, Cléone, à quoi se résout-elle ?

CLÉONE.

Elle accuse avec vous la fureur de ce zèle,
Et fait connoître assez quel est son désespoir
De n’avoir pas laissé sa haine en son pouvoir ;
Mais d’une exacte foi comme elle doit l’exemple,
Pour votre hymen promis tout se prépare au temple,
Où sans l’avis reçu des complots de la nuit,
Déjà le roi de Crète auroit été conduit.

ERIPHILE.

Ah, si de cet hymen dépend le sacrifice,
Où d’un serment fatal l’expose l’injustice,
Ne crois pas que jamais ni le fer ni le feu
M’en puissent arracher le sacrilège aveu.
Ce cœur dont on l’attend doit trop à Cléomène
Pour rendre mon amour ministre de la haine,
Et des dieux indignez l’implacable courroux
Peut perdre Timocrate et non pas mon époux.
Mais puis qu’enfin du peuple on ne doit rien attendre,
Pour le dernier secours espérons en Nicandre :
S’il a de la vertu, comme il peut tout ici…

CLÉONE.

Vous pouvez l’éprouver, madame : le voici.


Scène II


Eriphile, Nicandre, Cléone.

ERIPHILE.

Nicandre, m’aimes-tu ? La fortune publique
Me fait t’en demander une preuve héroïque,
Digne de ton grand cœur, digne de ta vertu.
Réponds sans balancer : Nicandre, m’aimes-tu ?