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Et votre aveugle haine attachée à son rang,
Brûle d’en voir le crime effacé dans son sang.
Vous l’y verrez, madame, et ma triste victoire
D’un spectacle si doux vous assure la gloire,
Mais les dieux permettront pour flatter ses malheurs,
Que, malgré vous, sa mort vous coûtera des pleurs,
Et qu’enfin votre cœur, mieux instruit dans sa haine,
D’un amour qui le perd haïra Cléomène.

ERIPHILE.

Oui, puisque cet ingrat s’obstine à se trahir,
Timocrate en effet me le fera haïr,
Non, comme tu le crois, d’avoir livré sa tête
À la juste vengeance où tout l’État s’apprête,
Mais de s’être rendu, pour trop plaindre son sort,
Indigne que mon cœur soit le prix de sa mort.
C’en est assez : adieu, je vois venir la reine,
Tu peux de ma colère appeler à sa haine.


Scène V


La Reine, Cléomène, Arcas, Doride.

LA REINE.

La princesse paroît s’éloigner en courroux.
A-t-elle quelque lieu de se plaindre de vous ?
Cléomène, parlez : vous en savez la cause ?

CLÉOMÈNE.

Oui, Madame, je sais le crime qu’on m’impose,
Mais si mon feu déplaît, on montre un cœur bien bas
À publier de moi ce que l’on ne croit pas,
Et c’est sans doute user d’une mauvaise adresse
Que noircir mon honneur pour m’ôter la princesse.

LA REINE.

Non, Cléomène, non, la princesse est à vous :
Ayant reçu sa foi, vous êtes son époux,