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Et quel que sûr qu’il soit de perdre ici le jour,
Il est moins prisonnier de guerre que d’amour.
Sitôt qu’il m’a connu, triomphe, Cléomène,
M’a-t-il dit, sans combat ta victoire est certaine :
La princesse a donné l’arrêt de mon trépas,
Je la respecte trop pour n’y souscrire pas,
Et si j’ai pu d’abord suivre une ardeur contraire,
De deux rivaux haïs j’ai voulu la défaire ;
Mais ce courroux contr’eux dans mon cœur allumé,
Ne peut avoir d’effet contre un rival aimé.
Ah, princesse !

ERIPHILE.

Poursuis, renonce à ta victoire,
Tâche sur ton rival d’en répandre la gloire,
Et me le faisant voir par soi-même vaincu,
Rends-le digne d’un prix qui t’étoit si mal dû.

CLÉOMÈNE.

Ce prix n’en peut avoir, mais si, pour y prétendre,
Le mérite assez loin de soi pouvoit s’étendre,
Le ciel qui fait les rois n’en voit point aujourd’hui
Qu’en un si haut espoir il soutint mieux que lui.

ERIPHILE.

Va, ta louange est froide, et puisque ta foiblesse
À louer ton rival lâchement s’intéresse,
Je te veux faire voir pour combler tes souhaits
Que je sais mieux encore louer que tu ne fais.
De tout ce qu’a d’éclat la grandeur de courage,
Timocrate lui seul possède l’avantage.
Comme il sait avec gloire en régler la chaleur,
Sa prudence est toujours égale à sa valeur,
Partout il fait briller une vertu parfaite,
Il est illustre et grand, mais il est roi de Crète,
Et pour moi sa naissance est un crime si noir,
Que sa mort de mes vœux est le plus doux espoir.

CLÉOMÈNE.

Et bien, madame, et bien, il faut les satisfaire !
De ce roi malheureux la perte vous est chère,