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NICANDRE.

C’est sans doute en donner une preuve certaine,
Que venir sans armée au secours de la reine ?

CLÉOMÈNE.

Rendre ses ennemis sous le nombre abattus
N’est que l’effet commun des communes vertus,
Et sur cet avantage obtenir la victoire,
Si c’est vaincre en effet, c’est triompher sans gloire.
Quoi que montre un parti de foiblesse ou d’effroi,
Ce bras pour l’en chasser n’a besoin que de moi,
Et du moins, mes exploits n’égalant pas les vôtres,
Je tiens tout de moi seul, et ne dois rien aux autres.

LA REINE.

Ils sont tels, Cléomène, ils sont tels que les dieux
Ne désavoueroient pas un sang si glorieux !

NICANDRE.

Mais, madame, est-ce lui que nous en devons croire ?

CLÉOMÈNE.

Oui, puisque je l’assure après une victoire !
Qui dans le champ d’honneur tel qu’un prince a paru,
Alors qu’il se dit l’être, est digne d’être crû ;
Non qu’il ne fût facile en me faisant connoître
D’étouffer un soupçon que l’envie a fait naître,
Mais vouloir l’éclaircir quand mon bras le confond,
D’un doute injurieux c’est mériter l’affront.
Car enfin, si j’avois une naissance ingrate,
Avant qu’entre vos mains remettre Timocrate,
Sur la foi des serments j’aurois pu m’assurer
Le bonheur qu’un rival me défend d’espérer.
Ici leur sainteté les rend inviolables ;
Mais un cœur généreux hait des ruses semblables.
D’un glorieux espoir dans mon âme adoré,
J’ai crû votre parole un garant assuré,
Et lorsqu’à son effet comme prince j’aspire,
Pour confirmer ce rang ma foi vous doit suffire.

LA REINE.

Il est juste, et l’état ne sauroit faire un choix
Qui dans leur majesté soutienne mieux ses lois.