Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/250

Cette page n’a pas encore été corrigée
CLÉOMÈNE.

Que de notre défaite
J’ai su venger par là le malheur sur la Crète,
Et que pour vous laisser maîtresse de son sort,
Remis aux mains d’Iphite on le conduit au fort.

NICANDRE.

Quoi, vous l’auriez vaincu ?

CLÉOMÈNE.

Quand je n’osois le croire,
Les dieux ont à mon bras accordé cette gloire,
Puisque, voyant qu’en vain j’y ferois mes efforts,
La bataille perdue et les deux princes morts,
M’échappant vers le port, par un heureux rencontre
Dans un léger vaisseau le hasard me le montre,
Je le joins, et l’attaque avec tant de vigueur,
Que, surpris du péril qui menace un vainqueur,
Avant que dans sa flotte on puisse en rien apprendre,
Après quelque combat je l’oblige à se rendre.

NICANDRE.

Où ton trop de vertu t’a-t-il précipité,
Ô prince ? Ta prison vient de ma liberté !

LA REINE.

Enfin, ma haine, enfin nous bravons la tempête !
Les dieux m’ont exaucée, et ta victime est prête !
Ô vous, par qui le sort l’a soumise à mes lois,
Quel prix m’acquittera de ce que je vous dois ?

CLÉOMÈNE.

L’aveu d’un bel espoir qui sur votre promesse,
Dans l’orgueil de ses vœux s’élève à la princesse.

NICANDRE.

L’ambition déjà vous fait-elle ignorer
Qu’à moins d’être né prince on n’y peut aspirer ?

CLÉOMÈNE.

Cette ambition même est un illustre signe,
Que ce que je suis né ne m’en rend pas indigne,
Et qu’il n’est point de prince à qui l’éclat du sang
Ait dans toute la Grèce acquis un plus haut rang.