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ACTE III



Scène I


ERIPHILE.

Quel sentiment confus et d’espoir et de crainte
Tient mes vœux tour à tour dans mon cœur suspendus ?
De quel bizarre sort l’injurieuse atteinte
Se plaît à les voir confondus ?
Tout mon sang s’émeut et s’altère
À songer que déjà peut-être on est aux mains.
Je sais que, poursuivant la vengeance d’un père
La justice veut que j’espère,
Mais parce que j’aime, je crains.
Tu l’emportes, ô crainte, et ma raison te cède :
Si ce cruel combat satisfait mon devoir,
Ce cœur que malgré moi Cléomène possède
Ne s’en permet pas plus d’espoir.
Ainsi d’une image trop noire
Le seul péril qu’il court vient frapper mes esprits,
Et je regarde peu ce qui lui vient de gloire,
Quand il poursuit une victoire
Dont je ne puis être le prix.
Oui, c’est en vain pour lui que mon feu s’intéresse,
L’impérieux orgueil du trône qui m’attend
À son plus doux appas vient opposer sans cesse
Ce qu’il a de plus éclatant.
D’une source si peu commune
Il sait tirer ce sang à qui je dois le jour,