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Dont le charme pour moi n’a rien que d’odieux,
S’il lui faut immoler un espoir glorieux.
Non, que j’ose en prétendre un plus haut avantage
Que d’en faire à vos pieds un juste et plein hommage,
Mais s’il me laisse encor à craindre également,
Du moins il m’autorise à me montrer amant.
C’est ici qu’un regard plus ou moins favorable
Me peut faire ajouter heureux ou misérable.

ERIPHILE.

Quel charme en ce bonheur penseriez-vous trouver,
Qu’un regard peut détruire aussitôt qu’achever ?
Par sa fragilité connoissez sa foiblesse,
Et sans vous éblouir d’une vaine promesse,
Soumettez hautement à la gloire, à l’honneur,
Les appas décevants d’un si foible bonheur.
Défendez jusqu’au bout l’éclat de votre vie
Des traits empoisonnez que décoche l’envie ;
C’est au trône d’Argos qu’on en veut aujourd’hui ;
Et le devoir du sang vous en faisant l’appui,
Ne lui donnez pas lieu de dire que Nicandre
Le voulut partager avant que le défendre,
Et qu’au moins il fallut que l’espoir de ma main,
Pour être bon sujet, le rendît souverain.

NICANDRE.

Et quoi, madame, et quoi, ma conduite passée
Vous peut-elle souffrir cette injuste pensée ?
Et quand vos intérêts ont exposé mon sang,
M’a-t-on vu démentir la gloire de mon rang ?
Par quel complot secret ai-je pu faire naître
Cet outrageant soupçon que vous faites paroître,
Et qui, de ma princesse éblouissant les yeux,
Ne lui fait voir en moi qu’un prince ambitieux ?
Ah, si ce pur amour qui règne dans mon âme,
Prend de sombres couleurs pour vous peindre ma flamme…

ERIPHILE.

Nicandre, c’en est trop, enfin vous me forcez
D’opposer ma colère à des feux insensés !