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Ce combat où déjà chaque parti s’apprête,
Ne se donne aujourd’hui qu’au péril de sa tête,
Elle en est le seul but, et quoi que des cœurs bas
L’espérance du prix soit l’ordinaire appas,
Celui qu’on nous propose… Hélas ! Que vais-je faire ?
Je tremble à m’expliquer, et je ne puis me taire,
Et dans mes sentiments interdit et confus,
J’en découvre le trouble, et n’ose rien de plus.

ERIPHILE.

Non, non, Nicandre, non, cessez de vous contraindre :
Je connois quel sujet vous avez de vous plaindre,
Et vous craignez en vain que je prenne intérêt
Au juste désaveu d’un prix qui vous déplaît.
Quelque pressant devoir qui hâte sa vengeance,
À trop d’emportement la reine se dispense,
Quand pour vous animer à servir son courroux,
Elle prend hors de vous ce qui doit être en vous.
Un cœur qui s’abandonne au désir de la gloire,
N’a jamais que soi-même à consulter et croire,
Et quoi qu’il fît de grand, il auroit à rougir,
Si sa propre vertu ne le faisoit agir.
Ainsi dans ce combat où l’honneur vous engage,
L’espoir de mon hymen n’est qu’un pompeux outrage,
Et loin que son refus irrite ma fierté,
Je me plains avec vous de son indignité.
C’est aux courages bas, c’est aux âmes vulgaires
À goûter lâchement ces amorces grossières ;
Et qui peut en montrer un cœur moins abattu,
Lors même qu’il l’augmente, affaiblit sa vertu.
Craignez donc un hymen contraire à votre estime,
Faites-en éclater un mépris légitime,
Et montrez qu’un grand cœur embrasse un grand exploit,
Moins par l’espoir du prix que par ce qu’il se doit.

NICANDRE.

Moi, des mépris pour vous ? Ah, bien plutôt, Madame,
Souffrez que je renonce à cette grandeur d’âme,