Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/222

Cette page n’a pas encore été corrigée

Jugez de cet effort par l’aveu de la flamme
Que la belle princesse a fait naître en mon âme,
Et si pour un amant il est supplice égal
À voir par un ami préférer un rival.

CLÉOMÈNE.

Seigneur, je vous dois tout, mais c’est une foiblesse
D’avoir de faux respects où l’État s’intéresse,
Et je ne croirois pas qu’un zèle moins parfoit
Répondît à l’honneur que la reine m’a fait.

NICANDRE.

Je n’en murmure point, mais comme enfin la reine
Fait dépendre aujourd’hui notre amour de sa haine,
Si jamais l’amitié signala votre foi,
Faites-le moi paroître en combattant pour moi.
Après ce haut serment où son courroux éclate,
Il ne faut plus songer qu’à vaincre Timocrate,
Et celui qui de nous le met en son pouvoir,
Seul d’un illustre hymen peut conserver l’espoir.
Contre mes deux rivaux assurez-m’en la gloire,
Si vous êtes pour moi, j’ai déjà la victoire,
Et je puis, secondé d’un bras toujours vainqueur…
Mais quoi, vous soupirez ?

CLÉOMÈNE.

J’en ai bien lieu, Seigneur !
Mais pourquoi plus longtemps surprendre votre estime ?
Privez-en un coupable en apprenant son crime :
Car quoi qu’à l’avouer je consente à regret,
Il vous en faut enfin confier le secret.
J’aime, hélas ! De mon sort connoissant la bassesse,
Ne dois-je pas trembler à nommer la princesse ?

NICANDRE.

Quoi, c’est elle…

CLÉOMÈNE.

Oui, seigneur, ses regards trop puissants
Ont contre ma raison fait révolter mes sens.
Dans la gêne secrète où cet amour m’expose,
De mon éloignement ne cherchez plus la cause,