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Le calme en vos États aussitôt affermi
Du soupçon de sa mort purgea son ennemi.
Ce malheur remplissant tous vos sujets d’alarmes,
Laissoit Argos en proie à l’effort de ses armes,
Et les messéniens en guerre contre vous,
S’il eût voulu vous perdre, animoient son courroux.
Cependant qu’a-t-il fait digne de cette haine,
Qui d’un si noir soupçon le condamne à la peine,
Et qui pour soutenir d’ambitieux desseins
Dedans le sang d’un roi lui fait tremper les mains ?

CRESPHONTE.

Vous palliez en vain avec un peu d’adresse
Un crime qu’avec nous a su toute la Grèce ;
Pour s’en justifier, s’il proposa la paix,
La fausse mort d’un fils produisit ces effets.
Privé de Timocrate, à qui de sa victoire
Ce coupable vieillard devoit toute la gloire,
Il borna des désirs dont la trop vaste ardeur
Manquoit pour les remplir d’un bras déjà vainqueur.
Mais c’est trop balancer une belle entreprise :
Éprouvons quel parti le destin favorise,
Et si ce Timocrate est tant à redouter,
Qui de nous le craindra n’aura qu’à l’éviter.

CLÉOMÈNE.

Le succès règlera qui de nous le doit craindre ;
Tel brave qui souvent devient le plus à plaindre,
Et peut-être…

LA REINE.
, se levant.

Il suffit ; je vois dans vos conseils
Pour moi, pour mon état des sentiments pareils,
Un même zèle en vous en fait la différence ;
Mais pour vous expliquer enfin ce que je pense,
La Crète, quoi qu’on dise, est coupable vers moi
Du secret attentat qui fit périr un roi.
Depuis ce coup fatal, j’aspire à la détruire,
Et quand par vos avis je cherche à me conduire,
De quoi que Timocrate ose flatter ses voeux,
Ce n’est pas son hymen, c’est sa mort que je veux.