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C’est au tyran de Crète en montrer peu d’ardeur
Que de le respecter dans son ambassadeur.
Rendez donc hautement menace pour menace ;
Que sa mort soit le prix d’une insolente audace,
Et par son châtiment faites connoître à tous
Quel sang vous destinez aux mânes d’un époux.

LEONTIDAS.

Je n’examine point quelle est cette maxime
Qui permet de punir un crime par un crime,
Mais ce vieux droit des gens, partout si révéré,
Pour le vouloir enfreindre, est un droit trop sacré.
Non qu’on doive excuser dans l’orgueil qui le flatte
L’indigne procédé du Prince Timocrate :
En tête d’une armée expliquer son dessein,
C’est agir en amant bien moins qu’en souverain.
Cette honteuse paix dont l’offre nous étonne
Est un ordre absolu que sa fierté nous donne,
Et si quelque rebelle osoit s’en dispenser,
Il tient la foudre en main toute prête à lancer.
Certes il faudroit être ennemi de la gloire
Pour céder sans combat le prix de la victoire,
Et ce trône où sans peine il aspire à monter,
À son ambition vaut bien le disputer.
Ainsi pour faire voir qu’on craint peu, quoi qu’il ose,
Je ne répondrois rien sur l’hymen qu’il propose,
Et son ambassadeur retourneroit confus
Deviner avec lui d’où viendroient mes refus.

NICANDRE.

Un tel avis sans doute est glorieux à suivre.
D’un reproche éternel je sais qu’il nous délivre,
Et qu’il part d’un grand cœur, qui voit que sur l’État
L’hymen du roi de Crète est un noir attentat.
Mais ce n’est pas assez d’en rejeter la honte,
Dans un plus haut orgueil ne souffrons pas qu’il monte,
Et pour lui mieux apprendre à ne pas s’élever,
Bravons cet ennemi qui pense nous braver.
Quelques fausses couleurs qui déguisent sa haine,
Cet hymen proposé n’est pas ce qui l’amène,