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Vous même avecque vous c’est n’être pas d’accord.

CLÉOMÈNE.

Tel est l’injuste effet des caprices du sort.
Son ordre aveuglément contre nous se déploie :
Il me chassa d’Argos, c’est lui qui m’y renvoie,
Forcé par ses décrets, je reviens en ces lieux.
Ne me demandez point que je m’explique mieux,
Seigneur : un tel secret m’est de telle importance
Que la reine elle-même excuse mon silence.

NICANDRE.

J’aurois tort d’aspirer à plus qu’elle n’a su.

CLÉOMÈNE.

J’oubliois cependant l’ordre que j’ai reçu.
Avec vous en ce lieu j’ai charge de l’attendre,
Les princes d’autre part sont mandés pour s’y rendre ;
Je vous en donne avis.

NICANDRE.

Quel malheur survenu
Veut que sur l’heure ainsi le conseil soit tenu ?

CLÉOMÈNE.

Quoi, vous ignorez donc l’audience secrète
Que lui fait demander l’ambassadeur de Crète ?

NICANDRE.

L’ambassadeur de Crète ? Ah, vous me surprenez !

CLÉOMÈNE.

Pour sa réception les ordres sont donnés ;
On l’alloit faire entrer quand j’ai quitté la reine.

NICANDRE.

Quel qu’en soit le dessein, l’ambassadeur me gêne,
Et d’un vieil ennemi tout doit être suspect.

CLÉOMÈNE.

Puis-je être curieux sans perdre le respect,
Seigneur ? Tout me surprend, et j’ai peine à comprendre
Ce qu’un bruit fort confus m’a voulu faire entendre.
Quand je partis d’Argos, sur le commun rapport,
Du Prince Timocrate on y croyoit la mort.
Déjà depuis quatre ans, l’âme aux soupirs ouverte,
Démochare son père en regrettoit la perte,